Brève présentation du fonctionnement d'un biominéralisateur (la moule méditerranéenne, Mytilus galloprovincialis) et de quelques épibiotes associés (serpules, balanes, bryozoaires). Mots-clés : biominéralisateur, relation interspécifique (commensalisme, épibiose), prise alimentaire (microphagie, suspensivorie), test, coquille, carbonate de calcium. Les figures entre parenthèses renvoient aux photographies de la galerie ci-dessous. En vacances au bord de mer, comment ne pas résister à la tentation d'un moules-frites après une journée éprouvante sur la plage ? Mais saviez-vous qu'au milieu de cette assiette promise délicieuse, se cachent des exemples de processus biologiques souvent peu évoqués : construction d'une coquille calcaire, vie fixée sur d'autres organismes, partage de nourriture... La moule, un biominéralisateur comestible L'originalité du plat tient à la présence de cet organisme, qui comme l'escargot, se construit sa propre coquille. Sa fabrication est progressive, comme en témoignent les nombreuses stries d'accroissement, concentriques. En versant une goutte d'acide chlorhydrique dessus (composé fréquent des produits ménagers), on constate une effervescence provoquée par un dégagement de dioxyde de carbone (CO2). Comme le montre l'équation ci-dessous, la coquille est constituée d'un carbonate de calcium, l'aragonite (CaCO3) : CaCO3 + 2 H3O+ → CO2 + Ca2+ + 3 H2O D'autre part, en approchant la flamme d'un briquet de la face externe de la coquille, on sent une franche odeur de « cochon grillé ». Elle est donc également constituée de matière organique. En réalité, la coquille de la moule comprend 3 couches superposées :
La moule est un animal qui vit sur les rochers au niveau de la zone de battement de marées, fixée par des filaments verts fréquemment confondus avec des algues par les non-initiés. Ces fibres protéiques forment le byssus et sont sécrétées par l'animal lui-même, au niveau de la glande byssogène située à la base des filaments. Il y a en fait peu de risques de retrouver des macro-algues dans la cavité palléale d'une moule (sauf si l'on les y rajoute à la cuisson...) puisque l'animal est microphage (il se nourrit uniquement de particules alimentaires microscopiques). En effet, la moule obtient sa nourriture en filtrant l'eau de mer grâce à ses branchies lamellaires, également impliquées dans la fonction respiratoire (absorption de dioxygène et rejet de dioxyde de carbone). Ces branchies portent de nombreux cils (on parle aussi de cténidies, de ctenos-, peigne) dont le battement génère un courant d'eau, entraînant les particules alimentaires en suspension le long d'un sillon trophique jusqu'à la bouche de l'animal, située au pôle antérieur. On parle de suspensivorie. D'autres cils sont impliqués dans le tri des particules selon leur taille. L'animal peut également collecter et goûter la nourriture grâce à deux paires de palpes labiaux entourant la bouche. Quelques profiteurs associés... La construction d'une coquille calcaire repose sur le pompage actif d'ions (calcium, bicarbonate), c'est donc un phénomène très coûteux en énergie. Certains organismes profitent de la présence de la moule pour bénéficier d'un substrat (épibiose) et éventuellement de nourriture (commensalisme, mot qui signifie littéralement « qui mange à la même table »). Ces deux interactions présentent un avantage évolutif pour les profiteurs, tout en restant neutres pour la moule. Présentons ici quelques-un de ces organismes à coquille calcaire (faites le test à l'HCl pour vous convaincre) souvent observés à la surface de ces bivalves comestibles.
Les plus fréquents sont les serpules (fig. 3), des vers tubicoles (elles vivent dans un tube allongé à section triangulaire). Assez difficile à observer à l’œil nu, surtout une fois porté à ébullition, il s'agit de vers segmentés (métamérisés) disposant d'un appareil circulatoire clos et portant des soies, soit des Annélides Polychètes. Ces petits vers obtiennent eux aussi leur nourriture par microphagie suspensivore, en filtrant l'eau via leurs tentacules ciliés et en recueillant les particules alimentaires dans un sillon trophique situé au creux de leurs tentacules. D'autres se logent dans une muraille calcaire en forme de cône, ce sont des Crustacés Cirripèdes, communément appelés balanes (fig. 4 et 5). A marée haute, ces animaux sortent leurs pattes thoraciques munies de longs filaments (thoracopodes) et filtrent l'eau en créant un courant par des battements réguliers. Enfin, et c'était une première observation qui justifie cet article, les Bryozoaires sont des animaux microscopiques qui vivent en colonie (fig. 6 et 7). Chaque individu, ou zoïde, vit dans une logette calcaire et occupe une fonction déterminée : certains sont spécialisés dans la prise de nourriture (effectuée cette fois à l'aide d'un panache de tentacules ciliés appelé lophophore), d'autres dans la reproduction (gonozoïdes), d'autres enfin dans la défense de la colonie... Hommage à ces animaux insoupçonnés qui tirent profit de la vie d'un autre pour économiser de l'énergie ! Galerie de photographies associées (Crédits photo : J. Desplats)
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Guillaume Nottet ArchivesCatégories |